Entretien avec le Professeur Julien Wegrzyn, chef du Service d’orthopédie et de traumatologie du CHUV, qui s’engage aux côtés de Morija pour soutenir le Centre Médico-Chirurgical (CMC) de Kaya au Burkina Faso.
Vous êtes arrivé en Suisse en 2019 et dirigez aujourd’hui le Service d’orthopédie et de traumatologie du CHUV. Qu’est-ce qui vous a rapproché de Morija ?
J’ai découvert Morija lors d’un dîner de charité à l’École hôtelière de Lausanne. J’accompagnais le Professeur Eckhert, alors Directeur du CHUV. C’est à cette occasion que j’ai pris connaissance des projets menés au Burkina Faso.
Quelques mois plus tard, j’ai rencontré le Dr Christian Nezien, le chirurgien orthopédiste du Centre de Kaya, venu en stage au CHUV. J’ai découvert un chirurgien très compétent, profondément investi, et une personne attachante. Depuis, nous échangeons régulièrement.
Quels types de discussions entretenez-vous avec le Dr Nezien ?
Nous parlons de cas concrets : positionnement de prothèses, maladies dégénératives, choix techniques dans des situations où l’accès au matériel dont nous disposons en Europe est difficile. Ici, tout est facilité par une certaine abondance des ressources. Lui travaille avec beaucoup plus de contraintes, mais aussi avec des compétences spécifiques que je n’ai pas.
Vous avez servi en Afrique comme médecin militaire de réserve. Cette expérience influence-t-elle votre engagement actuel ?
Oui, beaucoup. À Djibouti ou en Côte d’Ivoire, j’ai soigné des militaires mais aussi des civils. J’ai vu les réalités locales : des pathologies fréquentes, des besoins immenses et parfois… un immense parc de matériel inutilisé, faute de savoir-faire ou de pièces de rechange.
Cela m’a marqué ! Il ne suffit pas d’envoyer du matériel, il faut que son usage soit durable.
Concrètement, comment soutenez-vous le CMC de Kaya ?
J’essaie de faciliter des dons de matériel amorti du CHUV, encore parfaitement fonctionnel. Mieux vaut qu’il serve au Burkina Faso plutôt qu’il parte à la poubelle. Je cherche aussi à convaincre des fournisseurs d’accompagner cette démarche. Mais il reste un défi majeur : le coût du matériel médical et chirurgical, notamment les prothèses. Malheureusement, peu de compagnies prennent en compte les réalités économiques africaines, je les sollicite donc lorsque j’en ai l’opportunité.
Qu’aimeriez-vous pour l’avenir de la collaboration avec Morija ?
J’aimerais pouvoir me rendre à Kaya, voir le Centre de Kaya de mes propres yeux et comprendre la situation sur place. Malheureusement, le contexte actuel ne le permet pas. Mais je crois que le plus important est de renforcer les capacités locales. L’objectif n’est pas que les ONG restent éternellement, mais qu’un jour elles puissent se retirer, parce que les structures sont devenues pleinement indépendantes.
Quel impact voyez-vous dans une chirurgie réussie, par exemple une prothèse posée au CMC ?
C’est un changement de vie. Prenons une prothèse de hanche posée chez un jeune : cela rend l’autonomie, permet de se former, de travailler. L’impact dépasse la personne : il est économique et sociétal. C’est pour cela que je suis heureux de soutenir un centre comme Kaya, qui agit dans une région éloignée de la capitale. Le travail qui y est fait mérite d’être accompagné.
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