À Koumkaga, dans la commune de Bessada au Tchad, un homme s’est donné une mission : rendre la vue à ceux qui, selon ses mots, « vivent comme des aveugles dans un monde écrit ». Gabriel Yamadje, 60 ans, père de huit enfants, est l’un des formateurs engagés dans le projet d’alphabétisation mis en place par Morija depuis janvier 2023. Pour lui, cette mission est à la fois sociale, communautaire et profondément humaine. Témoignage.
Mon parcours scolaire a commencé à l’école primaire de Bessada. J’ai obtenu mon Certificat de l’Enseignement primaire élémentaire du Tchad, puis j’ai poursuivi deux ans d’études supplémentaires. Mais la vie a ses difficultés, et j’ai dû arrêter en classe de 5e. Aujourd’hui, je suis formateur dans les cellules d’alphabétisation pour adultes – surtout les femmes.
Mon engagement vient d’un désir profond : aider les personnes analphabètes de notre région à améliorer leurs conditions de vie et à sortir de l’ignorance. Je dis souvent que je veux au moins les amener du statut d’aveugle à celui de borgne, car même un peu de lumière peut faire une grande différence.
Nos séances se tiennent trois fois par semaine, pendant deux heures, de janvier à mai. Chaque jour, nous commençons par des salutations, des échanges sur les nouvelles des familles. Ensuite, nous révisons les leçons précédentes. Puis viennent les cours du jour, accompagnés de questions pour vérifier la compréhension. Enfin, je donne des conseils pour encourager les apprenantes à vivre en bonne harmonie dans la société.
Ce travail n’est pas facile. Beaucoup de femmes veulent apprendre, mais les tâches domestiques et agricoles les retiennent souvent. Certaines ont honte de venir à l’école à leur âge, et il manque du matériel pédagogique adapté. Pour ma part, j’utilise le cahier d’un ami, qui avait suivi une formation d’alphabétisation proposée par l’Agence de Coopération Internationale Allemande. Je passe aussi dans les groupes Épargne pour le Changement pour sensibiliser les femmes à se joindre à mes cours.
Malgré ces difficultés, je vois des progrès incroyables. Une femme m’a raconté qu’elle peut maintenant calculer les bénéfices de son petit commerce. Pendant nos rencontres, nous parlons aussi de savoir-vivre en communauté : comment se comporter à l’hôpital, comment respecter les panneaux de signalisation (surtout de sens interdit !) et comment gérer des activités génératrices de revenus.
Chaque témoignage de changement me remplit de joie et me donne la force de continuer. Les apprenantes me respectent, et je suis fier de ce que nous accomplissons ensemble. Si toutes les femmes qui n’ont pas eu la chance d’étudier viennent un jour apprendre avec nous, je suis convaincu que notre société sera plus forte et plus unie !
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